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Alors qu’au procès de Paris, une dizaine d’enquêteurs belges témoignent, dans « Le Clandestin de Daech », paru aux éditions Kennes, Georges Dallemagne (CDH), ancien commissaire d'enquête sur les attentats de Bruxelles, et Christophe Lamfalussy, journaliste, reviennent sur le parcours d’Oussama Atar, le djihadiste considéré comme le cerveau des attentats et pourtant passé sous les radars des services de renseignements jusqu’aux faits tragiques qui ont endeuillé la capitale française en novembre 2015 et Bruxelles en mars 2016. 

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Le 29 avril 2019, Abou Bakr Al-Baghdadi, « calife » d’un Etat islamique (EI) presque défait, livre son dernier message et remercie combattants et « martyrs ». Parmi ces derniers, il cite un chef militaire, « Abou Yassir Al-Belgicki. La conviction est, aujourd’hui, qu’il s’agit d’Oussama Atar. Tué vraisemblablement à la suite d’une frappe aérienne, qui est ce belgo-marocain né le 4 mai 1984 à Laeken et mort le 17 novembre 2017 en Syrie ? « Le Clandestin de Daech » lève le voile sur cet énigmatique personnage. Les auteurs nous dévoile la construction d’une personnalité sur le chemin de l’endoctrinement qui deviendra l’un des plus hauts gradés de l’Etat islamique. De ces bases arrière secrètes, il élaborait et validait les projets terroristes de ses « soldats » sélectionnés dans le terreau fertile de la petite délinquance. « Il faut raconter l’histoire d’Oussama Atar, non pour faire l’apologie d’un fanatique, mais pour comprendre comment un individu peut en arriver à entreprendre par idéologie un parcours aussi meurtrier », nous explique Georges Dallemagne. « Il faut aussi raconter pour expliquer pourquoi cet homme n’a pas été empêché par les services de renseignements, décrypter la part de responsabilité des services concernés et l’assumer ». 

 

Des réponses nébuleuses et évasives

 

C’est une séquence cruciale du procès des attentats du 13 Novembre et pourtant, les témoignages des dix policiers de la cellule antiterroriste de la police fédérale belge (DR3) qui défilent à la barre des Assises parisienne s’enlisent dans un étrange ballet de réponses à demi-mot et de silences pour ne pas que soit remise en cause l’enquête belge. Arthur Dénouveaux était au Bataclan le soir du 13 novembre 2015. Aujourd’hui Président de l’association de victimes Life for Paris, il dit dans un récent tweet toute son amertume devant l’audition des policiers belges : « Les policiers et le parquet belge se moquent actuellement de la justice française et des victimes au procès des attentats du #13novembre. Réponses évasives, volonté de se protéger plutôt que d’aider à connaître la vérité. Une honte.»

 

« On l’a utilisé comme honeypot »

 

« L’autre partie de notre travail a justement consisté à comprendre pourquoi Oussama Atar n’a pas été empêché d’agir. Et il y a une fameuse omerta et pas seulement de la part des autorités belges », poursuit George Dallemagne. « On l’a clairement utilisé comme honeypot. On l’a extrait de prison et on l’a laissé partir car on a voulu, une fois libéré, l’utiliser pour infiltrer les milieux djihadistes. Là où on a perdu le contrôle, c’est que l’on ne s’attendait pas à ce qu’il passe à travers les mailles du filet, qu’il fasse du recrutement et qu’il devienne une figure centrale de Daech. Les autorités ont clairement failli par négligence ».

 

Un djihadiste qui dérange le politique

 

« Un procès ce sont bien sûr des faits, des victimes et des accusés. Ce n’est pas le procès d’une institution ou d’un service », poursuit Georges Dallemagne. « En revanche, ces ratés des services policiers doivent inévitablement être évoqués, même si cela n’enlève rien à la culpabilité des accusés​. Qu’il y ait eu des failles, malheureusement, c’est acquis depuis un moment. Oussama Atar a coordonné les attentats de Paris et de Bruxelles et on l’a laissé faire. Il avait interdiction, en 2013, de quitter la Belgique. Il obtiendra néanmoins un passeport et rejoindra la Syrie. Ces dysfonctionnements ont déjà été dénoncés par la commission d’enquête du parlement fédéral belge, en 2017. S’il y a eu des failles belges, il y en a eu aussi en France. Il y a donc les responsables et il y a un part de responsabilité à devoir assumer des deux côtés de la frontière pour éviter, demain, une redondance de l’histoire. Mais c’est clair que le laisser-faire autorisé à Oussama Atar dérange jusqu’au plus haut niveau politique », ponctue Georges Dallemagne

Alessandra d'Angelo

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